Marie-Gala Perroud vit et travaille dans le Forez, magnifique région de montagnes et de forêts dans lesquelles elle puise les matériaux nécessaires à ses recherches : graines, feuilles, branches, terres, pour trouver une harmonie de couleurs, de formes, de matières et de sensations. La vision de ses œuvres procure une impression d'équilibre parfait, à l'image de l'effet que les végétaux provoquent sur nous quand on les observe, et aussi un sentiment d'étrangeté, par la recherche audacieuse de formes mi-animales mi-végétales.
Le travail de Marie-Gala Perroud oscille entre témoignage d'un monde et espoir de sa renaissance. La graine symbolise le renouveau, la vie qui sans cesse revient malgré nous, malgré tout. C'est l'histoire d'une résilience absolue, qui ressemble tellement à l'obstination à vivre qui anime tous les êtres à la surface du globe, végétaux en tête. Ce qu'elle nous montre est la partie invisible du monde vivant. Derrière les arbres majestueux, les herbes et les fleurs, tout un monde organique bouillonne.
Il n'y a rien de plus beau, de plus grand, de plus merveilleux que la nature. Nous ne faisons que l'imiter, disent les grands maîtres, et si l'imitation n'est pas sublimation, elle n'est que singerie. C'est au contraire à un voyage dans les profondeurs du vivant, de sa magie, que nous convie Marie-Gala Perroud. L'espace d'une exposition, elle nous invite à devenir graine, à ressentir en nous les prémisses de toute existence.
En inventant et créant des chimères à partir des éléments qu'elle glane, Marie-Gala Perroud éveille en nous le désir du Phénix réincarné, d'un nouveau monde organique que rien ne viendrait plus dénaturer. Elle fait naître des oiseaux-coques ou des herbacées-libellules pour créer une nouvelle taxinomie réconciliant l'imaginaire et les souvenirs d'enfance. La finesse de ses œuvres rappellera aux grands gamins que nous sommes la vision d'une feuille sur l'onde d'un ruisseau ou d'un hyménoptère posé sur un nénuphar.
L'herbier fantasmagorique de Marie-Gala Perroud a valeur de mémoire. Ses créations plus « vraies que nature » donneront peut-être matière à penser aux historiens du troisième millénaire qui rechercheront des traces de la biodiversité de notre temps. En la mettant ainsi en scène, l'artiste cherche sans doute inconsciemment à sauver ce qui peut l'être, par l'invention de mariages impossibles, d'hybrides inédits, de greffes insensées.
Au milieu de cet herbier-bestiaire, l'artiste impose une réflexion sur le devenir de toute chose. La vie est fragile, son art est subtil. En filigrane, Marie-Gala nous demande de ne pas oublier que les poisons hantent notre environnement, que chaque être vivant porte en lui les molécules létales que l'activité humaine y a déposées... et que c'est seulement en aimant la nature que nous assurerons notre survie.
Se balançant entre des univers poétiques, oniriques et organiques, l'art de Marie-Gala Perroud dit avec une extrême délicatesse ce que notre monde est en train de perdre : sa pureté, la magique élégance des êtres qui se renouvellent envers et contre tout. Son message est limpide : sachez voir la splendeur de ce qui est en sa plus grande simplicité, car c'est là que réside la beauté. Là est la grande force de son travail : donner au public le goût d'admirer et de préserver la vie.
à Moutomble, le 18 novembre 2018
Sébastien Haton, linguiste et écrivain,
docteur en sciences du langage, lexicographe au CNRS jusqu'en 2015,
auteur de 60 livres d'artiste (collections publiques et privées) en duo avec la plasticienne Véronique Lafont, dont le recueil autoédité Ciel de vie,
auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages aujourd'hui épuisés, dont le roman Demain le ciel sera orange aux éditions AO.